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Pourquoi nous adorons les fake news et comment y résister

Dernière mise à jour : 10 mars 2022

Nous sommes dans une ère de désinformation. Des forces sociales et psychologiques accroissent cette tendance à croire les fake news, que ce soit sur des questions controversées en politique, en technologie, etc., phénomène persistant qui semble difficile à corriger.


Aussi farfelues qu'elles puissent être, les fakes news sont les infos les plus partagées sur les réseaux sociaux et elles se propagent bien plus rapidement que les vraies informations. Cela inquiète les psychologues et chercheurs en comportement. Des recherches offrent un nouvel aperçu des raisons pour lesquelles nous croyons plus à l'incroyable. Les fake news ont des implications importantes en politique, mais aussi dans des domaines tels que la santé et la nutrition, la science du climat et l'information financière. La question fondamentale d'un point de vue psychologique est : comment les gens peuvent-ils croire à ce genre de choses ?


L'idéologie peut affecter notre jugement mais nous verrons qu'il y a d'autres facteurs.

Les gens ne sont pas des processeurs d'informations comme le sont les ordinateurs. Nous sommes des animaux sociaux, et une fonction importante des fake news est qu'elles sont un indicateur de ce que les autres croient.

La composante sociale est aussi ce qui fait des fake news un problème si épineux à résoudre. Vous voyez des gens qui pensent comme vous, qui croient tous aux mêmes choses et renforcent ces croyances.

Même les experts peuvent être dupes. Tout comme le besoin d'acceptation par un groupe idéologique peut amener certains à partager de fake news, le désir social d'être respecté par ses pairs peut contrer cela.


Premier facteur: L'appartenance est plus forte que les faits

Notre goût pour les fake news reflète notre désir profondément humain d'appartenance, nous avons tendance à rejeter les faits qui menacent notre sentiment d'identité.

Le tribalisme est ancien, mais les médias sociaux sont nouveaux. Les structures cognitives qui font qu'il est bon d'appartenir à un « groupe » - et douloureux voire effrayant d’en changer lorsque de nouveaux faits entrent en conflit avec nos croyances fondamentales - sont aussi anciennes que l'humanité elle-même. Il est probable que nous ayons toujours eu tendance à accepter et à partager les preuves qui renforcent notre vision du monde et à rejeter celles qui la contredisent.

Les gens deviennent plus enclins à la désinformation lorsque deux choses se produisent.

Tout d'abord, lorsque les conditions sociales font que les gens ont la conviction que leur identité sociale est une source de force et que les autres groupes peuvent être tenus pour responsables de leurs problèmes. Même si nous aimons nous considérer comme des êtres rationnels qui placent la recherche de la vérité au-dessus de tout, nous sommes des animaux sociaux câblés pour la survie. En période de conflit ou de changement social, nous recherchons la sécurité dans les groupes. C'est pourquoi nous sommes avides d'informations, vraies ou fausses, qui nous permettent de voir le monde comme un conflit opposant notre groupe interne vertueux à un groupe externe malfaisant. Ce besoin peut émerger notamment d'un sentiment de déstabilisation sociale. Par conséquent, la désinformation est souvent répandue dans les communautés qui se sentent déstabilisées par des changements indésirables ou, dans le cas de certaines minorités, impuissantes face aux forces dominantes. Le plus grand coupable de notre ère de désinformation est peut-être la montée en puissance de la polarisation sociale. Une fois que notre cerveau passe en mode "nous" contre "eux", nous sommes moins préoccupés par l'exactitude des choses.

Deuxième facteur : le passage aux médias sociaux, qui constituent un puissant débouché pour les auteurs de fake news. En quelques secondes, on peut cliquer sur un bouton et retweeter un article à 10 000 personnes. L'humain moyen n'a jamais eu cette capacité auparavant. Ajoutez à cela le fait que ce sont les choses les plus sensationnelles qui sont susceptibles de faire le buzz sur les réseaux sociaux, car le public et la presse sont fortement incités à diffuser des gros titres scandaleux.

Lorsque vous publiez des informations, vous êtes très conscient de la réaction que vous obtenez en termes de "likes" et de "shares". Les êtres humains sont très sensibles à la récompense sociale: la recherche démontre que les personnes qui reçoivent un retour positif pour avoir posté des déclarations incendiaires ou fausses deviennent beaucoup plus susceptibles de le faire à nouveau à l'avenir. Dans une société fortement polarisée, ces incitations tirent fortement vers la solidarité du groupe et la dénigrement de l'extérieur. Elles ne favorisent guère la réalité consensuelle ou les idéaux abstraits d'exactitude. Les gens étant de plus en plus enclins à la désinformation, les opportunistes et les charlatans savent de mieux en mieux l'exploiter.

Le problème, c'est que lorsque nous rencontrons des opinions opposées dans le contexte des médias sociaux, ce n'est pas comme si nous les lisions dans un journal alors que nous sommes assis seuls", a écrit la sociologue Zeynep Tufekci dans un article très diffusé de la MIT Technology Review. "C'est comme si nous les entendions de la part de l'équipe adverse alors que nous sommes assis avec nos autres supporters dans un stade de football. En ligne, nous sommes connectés à nos communautés et nous recherchons l'approbation de nos pairs partageant les mêmes idées. Nous nous rapprochons de notre équipe en criant sur les fans de l'autre." Dans un écosystème où ce sentiment de conflit identitaire est dévorant, écrit-elle, "l'appartenance est plus forte que les faits."


Quelques tactiques pour favoriser une réflexion fondée sur des preuves

Mais le raisonnement motivé, idée selon laquelle les processus cognitifs des gens sont biaisés pour croire des choses conformes à leur vision du monde, n'est pas la seule explication. Des recherches remettent en question l'idée que c'est notre raisonnement qui est biaisé: les gens qui croient aux fake news sont ceux qui ne réfléchissent tout simplement pas attentivement, que ces gros titres correspondent ou non à leur idéologie.

Les gens seraient plus susceptibles d'être la proie de la désinformation à cause d'une pensée “paresseuse” qu'en raison d'un désir conscient ou inconscient de protéger leurs valeurs ou identité politique par exemple.

Quand les gens prennent le temps de réfléchir à la véracité d’une histoire, sans pression de temps et sans charge mentale professionnelle ou personnelle, ils sont meilleurs pour discerner la vérité.

Les personnes qui parcourent rapidement les médias sociaux pourraient être moins sensibles à la désinformation si elles ralentissent simplement, qu’elles s’arrêtent et réfléchissent pour considérer ce qu'elles lisent.


Certaines études suggèrent que les personnes ayant un degré élevé de curiosité scientifique et celles travaillant dans des professions qui les obligent à évaluer équitablement les preuves (comme les juges) peuvent être moins sensibles à l'aveuglement et plus susceptibles de changer d'avis lorsqu'elles sont confrontées à de nouveaux faits.

Peut-on penser alors qu’on pourrait être formé pour contrer notre attrait aux fake news, dès le lycée ou le collège ? Par exemple un cours de philosophie sur la logique ou un cours de journalisme où on apprend à vérifier les faits et à repérer les histoires bien documentées par rapport aux histoires mal sourcées.

Et quant à signaler des trous dans la logique de quelqu'un d'autre ? C'est délicat, bien sûr, mais des recherches montrent qu'il vaut mieux ne pas passer à l'offensive, mais plutôt poser des questions telles que "Comment savez-vous cela?" ou "Pourquoi pensez-vous que...?" - qui amènent l'autre personne à découvrir sa propre incertitude sur le sujet. La plupart des gens disent les choses de manière sociale et informelle d'une manière qui exprime une plus grande certitude qu'ils n'en détiennent réellement.

Quand on fait l'exercice de poser des questions sur les fondements de leur argumentation et sur les preuves dont ils disposent, sans les mettre sur la défensive, ils peuvent voir les failles dans leurs propres arguments et peut-être remettre en cause et arrêter de diffuser ces fake news...


Il existe donc des moyens d'y résister. Les plateformes de médias sociaux peuvent inciter les gens à réfléchir à l'exactitude des informations, à fact-checker. L'utilisation du crowdsourcing pour classer l'exactitude des informations sur les réseaux sociaux pourrait être un moyen efficace de réduire la propagation de la désinformation. La psychologie a une réelle opportunité d'apporter une contribution à ce problème qui est d'intérêt public.


Sources: New York University www.nyu.edu; American Psychological Association


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